assurance vie

Avant de remplir la clause bénéficiaire de votre contrat d’assurance vie et de désigner la ou les personnes qui recevront les capitaux à votre décès, il n’est pas inutile de vous interroger sur les potentiels obstacles à sa validité et de bien appréhender toutes les conditions attachées à sa bonne mise en œuvre.

En effet, l’identité de la personne que vous souhaitez avantager n’est pas sans conséquence. Une erreur dans la rédaction de votre clause bénéficiaire peut en avoir de lourdes conséquences.

L’assurance vie n’est pas considérée comme le couteau suisse de la gestion de patrimoine sans raisons mais un formalisme doit être respecté

Outre sa fiscalité privilégiée en cas de rachats, sa disponibilité et liquidité totale grâce à des retraits possibles à tout moment, son enveloppe juridique procure un avantage successoral sans équivalent puisque le capital et les intérêts placés sur le contrat peuvent être transmis au décès de l’assuré à un ou plusieurs bénéficiaires, “hors succession”. En effet le Code des Assurances permet à l’assurance-vie de ne pas être rapportable à la succession. Ce principe signifie que la valeur du contrat n’est pas comptabilisée dans l’actif successoral qui sera réparti entre les héritiers du défunt.

A la clé pour les bénéficiaires : un abattement de 152.500 euros par bénéficiaire désigné puis une taxation limitée au-delà de ce montant (20% puis 31,25% au-delà de 700.000 euros taxables) sauf si des versements ont été effectués après les 70 ans de l’épargnant. Dans ce cas précis, l’abattement qui porte sur les primes versées et non les intérêts dégagés se limite à 30.500 euros pour l’ensemble des bénéficiaires, le taux de droit commun sur les droits de succession s’appliquant au-delà.

Cerise sur la gâteau, le conjoint ou partenaire de Pacs bénéficie d’une exonération totale de taxation en vertu de la loi TEPA de 2007.

L’assurance vie n’est pas prise en compte lors du calcul de la réserve héréditaire qui revient aux proches du défunt.

Avantage de taille, le souscripteur peut donc désigner librement le bénéficiaire de son choix, c’est son droit exclusif. Il peut s’agir d’une personne physique (membre de la famille, ami, tiers…), mais aussi d’une personne morale (association…).

Nulle obligation donc de nommer sa femme, ses enfants ou d’autres héritiers légaux dans la clause bénéficiaire, la liberté de choix est totale… enfin presque puisque certaines règles viennent encadrer, et restreindre, vos possibilités.

Pour éviter les abus de confiance, certaines personnes qui, de par leur statut ou leur profession, sont susceptibles d’exercer une influence quelconque auprès d’un donateur fragile sont exclues a priori d’une telle disposition. Autrement dit, une clause bénéficiaire rédigée en leur faveur serait frappée de nullité

En effet, plusieurs exclusions en rapport avec les liens qu’entretiennent le souscripteur-assuré et le bénéficiaire sont prévues par la loi.

Médecins, infirmiers, auxiliaire médicaux...

L’article 909 du Code civil dispose ainsi que “les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que celle-ci aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci”.

En d’autres termes, un médecin qui, par le biais d’un testament ou d’un avenant à la clause bénéficiaire, est désigné comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie, peut être empêché de récupérer les capitaux en question au décès du souscripteur-assuré.

Médecins traitant, infirmiers, auxiliaires médicaux, mais aussi masseurs, kinésithérapeutes, psychiatres, magnétiseurs ou encore guérisseurs sont concernés par cette incapacité relative de recevoir. Il en est de même par exemple pour un psychiatre qui vous suivrait pour une affection que vous avez développée au cours de votre maladie, même si cette pathologie n’est pas à l’origine de votre décès.

Mais que signifie exactement la notion “d’incapacité relative” ? “Cela conditionne testament, de la maladie dont il est décédé, et peu importe la date du diagnostic, même si celui-ci a été effectué après la rédaction du testament.

Par exemple, vous pouvez désigner comme bénéficiaire de votre contrat votre médecin, mais seulement si ce dernier vous suivait avant que vous ne tombiez malade de l’affection à l’origine de votre décès.

Mandataires judiciaires, prêtres, rabbins, imams...

Les personnels médicaux ne sont d’ailleurs pas les seuls à être privés du bénéfice d’un contrat d’assurance vie du fait de leur relation particulière au souscripteur. L’article 909 du Code civil concerne également “les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions”. Le mandataire nommé par le juge des tutelles est donc exclu du bénéfice du contrat, et ce, “quelle que soit la date de la libéralité”, poursuit l’article de loi.

Pour toutes ces catégories, deux exceptions peuvent être mises en avant pour valider la clause bénéficiaire. La première concerne les “dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus”, évoque l’article 909 du Code civil.

Plus clairement, le contrat d’assurance vie serait alors assimilé à la rémunération de bons et loyaux services apportés. Une justification difficile à apporter car le professionnel “doit pouvoir prouver qu’il n’a pas été payé, ce qui paraît étonnant”.

Autre public concerné, les “ministres du culte”, du souscripteur-assuré à savoir les membres d’une institution religieuse : prêtres, pasteurs, rabbins, imams.

Auxiliaires de vie, accueillants familiaux...

La liste des personnes en incapacité de recevoir une libéralité ne s’arrête pas là. L’article L116-4 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que sont également concernées “les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés d’un établissement ou service soumis à autorisation ou à déclaration en application du présent code ou d’un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l’article L. 7231-1 du Code du travail, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité”.

En clair, les organismes hébergeant le souscripteur ou le personnel de maisons de retraite ou Ehpad ne peuvent recevoir des dons ou des legs. Une interdiction qui s’applique aussi aux services “pour l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile”, poursuit l’article du Code de l’action sociale et des familles.

C’est d’ailleurs ce que confirme un arrêt récent de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, daté du 16 décembre 2020, dans lequel la juridiction a considéré que la clause bénéficiaire au profit d’une auxiliaire de vie est nulle.

Sachez enfin que si vous avez recours aux services d’une aide-ménagère, il lui est impossible de recevoir votre assurance vie dès lors que le testament ou la clause bénéficiaire est rédigé pendant le déroulement de sa mission, en revanche cela est permis si la clause bénéficiaire est rédigée une fois le contrat terminé.

Il est à noter que la clause bénéficiaire est valable pour un professionnel médical ou mandataire judiciaire si celui-ci a un lien de parenté avec le défunt (jusqu’au 4ème degré) et que ce dernier n’a pas d’héritiers en ligne directe ou si le bénéficiaire est lui-même un héritier.

Enfin, il est également interdit de désigner d’autres professionnels comme son assureur, son banquier, son notaire, son avocat, son conseiller clientèle ou en gestion de patrimoine (notion de conflit d’intérêt et de respect de la déontologie).

Assurance vie attention à ne pas designer de bénéficiaires dits interdits

Les conséquences de la nullité de la clause

Pour l’ensemble de ces situations, vous pourriez être tenté de contourner la règle en désignant un parent de l’être élu comme bénéficiaire. Peine perdue si vos héritiers agissent pour faire annuler la clause, puisque l’article 911 du Code civil prévoit que l’interdiction vaut également pour les “personnes interposées”, à savoir “les père et mère, les enfants et descendants, ainsi que l’époux de la personne incapable”.

Si la clause bénéficiaire est déclarée en incapacité de recevoir, les conséquences peuvent être importantes. Un avenant à la clause bénéficiaire de votre contrat sera annulé, l’ancienne version prévalant alors. Si votre clause bénéficiaire est déclarée nulle et que vous n’avez pas prévu de bénéficiaire de second rang (ou que celui-ci n’est plus en vie à votre décès), votre assurance vie risque alors d’être réintégrée dans votre actif successoral, actant ainsi la perte des avantages en termes de transmission réservés à cette enveloppe fiscale.

Raison de plus pour être très attentif au moment de la rédaction de la clause bénéficiaire et du choix de la personne qui récupérera le capital de l’assurance vie à votre décès.

La désignation du souscripteur ne peut pas non plus aller à l’encontre de l’ordre public et des bonnes mœurs. Cependant, ce critère d’immoralité est de plus en plus difficile à faire admettre en jurisprudence. En effet, les juges réaffirment régulièrement que la désignation d’un bénéficiaire avec lequel l’assuré entretien une relation adultérine n’est pas contraire aux bonnes mœurs.

Et bien entendu, un animal de compagnie ne peut pas être bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie. En revanche, il est tout à fait possible de désigner une association protectrice des animaux.

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